Si nous parlons de rassemblements maçonniques au château de Carlsbourg ?
Cela reste une simple hypothèse, car les archives de cette loge ont tout simplement été détruites à Dunkerque lors de l'un des conflits mondiaux du 20e siècle.
Le Duché de Bouillon et son héritage maçonnique : Une période de turbulences et d'exils
Au XVIIIe siècle, le Duché de Bouillon, arraché par les troupes françaises de Louis XIV à la Principauté de Liège, se trouvait sous la souveraineté des ducs de La Tour d'Auvergne. Ces derniers, notamment Charles-Godefroy et Godefroy-Charles, furent les souverains du duché, et leur gouvernance fut marquée par des liens étroits avec la famille Stuart, dépossédée du trône d'Angleterre. Le duc Godefroy-Charles était, en effet, le beau-frère du roi Jacques III Stuart, et la famille de La Tour d'Auvergne partageait des affinités avec la franc-maçonnerie. Leur implication dans le Grand Orient, qui représentait la tendance Jacobite de la maçonnerie de l’époque, était notable, et la loge « Saint-Charles de la Parfaite Harmonie » à Bouillon fut un des foyers de cette influence maçonnique, confirmée dès 1763.
Bouillon, en raison de son indépendance politique et de son isolement géographique, devint un lieu de refuge pour des nobles déchus, des imprimeurs fuyant la censure royale, et des individus en disgrâce. La région offrait ainsi un terrain propice à l'émergence d'une maçonnerie discrète et clandestine, véritable ciment des relations entre les différentes factions aristocratiques en exil.
L'un des épisodes les plus marquants de cette période concerne la déplorable gestion financière des Rohan-Guéménée, une famille de la noblesse française dont les malversations auraient des répercussions sur le Duché de Bouillon et, plus spécifiquement, sur le village de Carlsbourg. Il est fait mention d'un détournement colossale de fonds, estimé entre 33 et 34 millions de livres au milieu du XVIIIe siècle. Cette somme aurait été perdue ou détournée, mettant en faillite scandaleuse la famille Rohan-Guéménée, et affectant gravement les finances du duché. Une partie de cet argent aurait été engloutie dans des projets liés au château de Carlsbourg, un lieu qui n’a cessé de susciter l’imaginaire populaire, notamment en raison de la légende du « trésor perdu de Carlsbourg ».
Les événements sont d’autant plus troublants qu’ils coïncident avec des dates clefs de l’histoire de Carlsbourg. Le château de Saussure, datant de 1729, semble en effet se situer dans une zone géographique et chronologique stratégique, qui aurait permis de dissimuler une telle fortune. Le Rohan-Guéménée, fuyant sa faillite, se réfugia à Bouillon vers 1783, un peu à l’image d’un Bernard Madoff de l’époque, réputé pour sa gestion malhonnête et son insatiable appétit pour l’accumulation de richesses.
Il est intéressant de noter que durant cette période, Carlsbourg, village faisant partie du Duché, se distinguait également par l’activité maçonnique. En effet, la loge Saint-Charles de la Parfaite Harmonie, dont la présence est historiquement confirmée dès 1763, rayonnait à Bouillon, mais son influence s’étendait également à Carlsbourg, village situé non loin de la ville de Bouillon. Il n'est pas invraisemblable que les turbulences économiques et sociales engendrées par la famille Rohan-Guéménée aient eu une incidence sur les dynamiques maçonniques locales, à travers des réunions secrètes et des opérations discrètes, loin des regards du public.
Plus tard, le 5e duc, Charles-Godefroy, fit une brève apparition à Bouillon en 1757, et il est possible qu’une forme de solidarité ou d’influence se soit exercée entre la famille de La Tour d'Auvergne et les membres des loges maçonniques qui prospéraient dans la région. La question de savoir si ces membres étaient impliqués dans des conspirations plus larges contre l'ordre établi demeure ouverte.
La connexion entre la maçonnerie, la famille Rohan-Guéménée et l’héritage maçonnique du Duché de Bouillon demeure partiellement floue. On sait toutefois que la loge de Dunkerque, qui portait le sceau du duc de Bouillon avec la mention « Godfridus Dei Gratiae Dux Bouillensis Protector », a joué un rôle central. Cette loge se réclamerait directement de la protection du duc de Bouillon et rassemblerait des personnalités influentes de l’époque, dont certains membres de la famille Rohan-Guéménée. Malheureusement, les archives ayant disparu dans l’incendie de 1940 ne permettent pas d’approfondir cette connexion.
En dépit de l’opacité de certains aspects de cette histoire, il est fascinant de constater que l’héritage maçonnique de Bouillon perdure encore aujourd’hui. Le Grand Orient de Belgique abrite toujours une loge nommée « Iris », fondée en 1964, et qui se réunit à Marbehan, non loin de la région de Bouillon. Ce lien symbolique avec le passé maçonnique de Bouillon et de Carlsbourg montre que les mystères de cette époque n’ont pas tout à fait disparu et continuent d'alimenter la mémoire locale et les spéculations historiques.
Ainsi, Carlsbourg, tout comme Bouillon, se trouve au centre d’un carrefour historique, mêlant secrets financiers, exil, influence maçonnique et héritages controversés. Les légendes de trésors cachés et de conspirations secrètes continuent d’alimenter les récits locaux, alimentant une part du mystère qui entoure ce petit coin de Belgique, aujourd'hui encore.